27 juin 2020

UN SOUS-PRÉFET SOUS L'ETAT FRANÇAIS 1942-1944
 Jean B. 1909-1985




Préambule:

La vie d'un collectionneur est parfois rythmée de belles et surprenantes découvertes.
C'est le cas cette fois encore, avec l'exceptionnel uniforme du sous-préfet Jean B. 
Ce rare uniforme est absolument complet et est resté en l'état depuis 76 ans puisque le sous-préfet Jean B. est révoqué en juin 1944. Son uniforme ne sera donc pas modifié par la suppression des symboles de l'Etat Français, comme la plupart de ceux portés après 1944. Beaucoup des ces rares pièces d'uniformes seront parfois purement et simplement détruites après la guerre...

Le but de se site est de présenter les uniformes du Corps Préfectoral à travers son histoire, en aucune façon de faire la promotion d'un régime politique, quel qu'il soit ou d'avoir un quelconque avis à donner concernant le personnage cité dans cet article.
Même si la période ici concernée est une des plus sombre de notre histoire, elle n'en reste pas moins une parmi toutes celles que le Corps Préfectoral a traversé depuis sa création en 1800.
Néanmoins, dans un soucis de respect envers les descendants de ce haut fonctionnaire et afin d'éviter toute polémique, son nom ne sera pas mentionné. Cela n'apporterai de toute façon, rien à cette étude uniformologique.

Les documents présentés sont tous d'époque et issus des archives disponibles en ligne, seul le nom de famille est masqué pour les raisons évoquées plus haut.

Bonne lecture.



Jean B. est né le 8 janvier 1909 à Versailles; Son père André, est un industriel de 43 ans installé dans la région. 
Il intègre la faculté de droit de Paris en 1926.
Très vite le journalisme le passionne et au début des années 30, il est gérant du journal "Semaine en Alsace et dans les Vosges" et rédige de nombreux articles dans une revue touristique alsacienne.

Parallèlement il est Secrétaire de la Commission du Grand Tourisme.

Jean B. est parfaitement germanophone et anime des émissions radiophoniques en allemand à Mulhouse.


 En 1937, il est correspondant particulier au Figaro et traite des sujets de relations internationales et diplomatiques françaises depuis la Pologne. Il gravitera durant ces années d'avant guerre dans le milieu diplomatique et assistera à de nombreux dîners officiels se constituant ainsi des relations politiques et d'affaires dans ce milieu mondain favorable au rapprochement de la France avec l'Allemagne.

Durant ces années, il fera une rencontre déterminante en la personne de Ferdinand de BRINON, lui aussi journaliste et qui rédige dans les colonnes du journal Le Matin.
C'est d'ailleurs dans ce journal que F. De BRINON, favorable à une alliance avec l'Allemagne, fera sensation en publiant en novembre 1933, les déclarations faites par A.HITLER, Chancelier du Reich. C'est la première fois qu'HITLER s'adresse à un journaliste français.
De BRINON, pro allemand et ami du diplomate allemand Joachim VON RIBBENTROP, créera d'ailleurs en 1935 le Comité France-Allemagne.

Septembre 1939, c’est la déclaration de guerre entre la France et l'Allemagne. Après la défaite de 1940 et la signature de l'Armistice par le Maréchal PÉTAIN, De BRINON est appelé par Pierre LAVAL, qui avait vu en lui avant la guerre un agent actif de la collaboration,  pour représenter le Gouvernement français auprès du Haut-Commandement  allemand dans Paris occupé depuis juin 40.

Le 5 novembre 1940, De BRINON est nommé ambassadeur de France auprès des autorités allemandes, puis Délégué Général du Gouvernement Français dans les territoires occupés; Il est désormais le numéro trois de l'Etat Français.

En 1941, c'est tout naturellement qu'il choisit comme adjoint chef de cabinet, Jean B. que les années de journalisme et que leurs idéaux politiques communs unissent.

Journal L'OEUVRE du 4 mai 1941.

Jean B. représente dans les manifestations publiques l'ambassadeur de BRINON et s'affiche aux cotés des personnalités françaises des différents mouvements collaborationnistes comme Marcel DEAT, Jacques DORIOT, Clément SERPEILLE DE GOBINEAU, Eugène DELONCLE etc....
 

    Paris, 1er Mars 1941....Eugène DELONCLE cofondateur de la Cagoule et fervent collaborateur s'adresse aux Ambassadeurs. Jean B. représente De BRINON.

En récompense de ses bons et loyaux services et de son zèle envers ses supérieurs, Jean B. est décoré en 1941 de l'Ordre de la Francisque (son nom figure bien sur la liste des 2626 titulaires) et est promu en décembre de cette même année, sous-préfet de 2eme classe, faisant fonction de directeur de cabinet du préfet régional de Bourgogne à Dijon, Charles DONATI.
C'est à cette occasion que l'uniforme présenté ici est confectionné.
Ch. DONATI  vient du ministère des Finances et de la banque et profita de la guerre pour obtenir un poste de préfet, il est un partisan notoire du S.T.O doublé d'un fidèle au Maréchal PÉTAIN. Il sera d'ailleurs révoqué en 1944.

Le nouveau régime a depuis juillet 1940, procède à une purge de l'administration française et bon nombre de membres du Corps Préfectoral, "peu sûrs" souvent fervent républicains ou d'origine juive, ont été "juillétisés", comprendre révoqués. 
Pétain et son gouvernement ouvre à des personnes plutôt jeunes, de tous horizons, des postes dans la préfectorale: Journalistes, industriels, militaires, fonctionnaires de tous ministères sont donc nommés. 
Jean B. sera de ceux là.



En octobre 1942, Jean B. se fiance avec Clarisse S. issue d'une ancienne et grande famille alsacienne de la région de Guebwiller. Il se mariera avec elle en 1949, ils auront 3 enfants.





Installé à DIJON, Jean B. exécute avec grand soin les directives gouvernementales collaborationnistes dictées par le Maréchal Pétain et son gouvernement.

Le journal local "Le Progrès de la Cote D'Or" (organe de presse sympathisant du régime qui fermera définitivement ses portes en 1944), relaye les actions du sous-préfet Jean B., comme ici, dans son numéro du 31 octobre 1942, où,  aux cotés des autorités allemandes, il remet un chèque pour un volontaire du S.T.O (service du travail obligatoire en Allemagne pour les jeunes gens nés en 1922)



Le Sous-préfet Jean B. remettant le chèque à l'ouvrier partant pour l'Allemagne. Au revers de son veston on peut voir l'Ordre de la Francisque dont il est titulaire depuis 1941.



En août 1942; toujours à la une du journal "le Progrès de la Cote d'Or" le Sous-préfet B. accueille les prisonniers de guerre libérés contre des travailleurs du S.T.O



Le Progrès de la Cote d'Or, le 5 avril 1943. Le Sous-préfet Jean B. en compagnie du Préfet Régional DONATI, passe en revue les policiers fraîchement sortis de l'école de police de Plombières. Il porte l'uniforme présenté dans cet article, complété de la cape.

Le sous-préfet B. juste derrière René BOUSQUET lors du passage en revue des policiers; Le progrès de la Cote d'Or.


En août 1943, Jean B. est nommé sous-préfet de Vendôme. 






Il occupera cette fonction jusqu'en février 1944 où il sera placé en position de "disponibilité"; Quelques temps plus tard, en juin,  il sera purement et simplement révoqué.... La situation sur l'échiquier militaire et politique n'étant plus favorable aux sympathisants du régime en place, beaucoup démissionnent des leurs précédentes fonctions au sein de l'Etat Français et commencent à renier leurs opinions politiques, pour les raisons évidentes que l'on sait.



Journal Le cri du Peuple 5 juin 1944

ÉPILOGUE:

En janvier 1945 c'est l'heure des procès et de l'épuration, le Préfet DONATI sera révoqué.


Jean B. sera auditionné plusieurs fois par la Haute Cour de Justice dans plusieurs affaires mettant en cause des collaborateurs de l'Etat Français, durant la période 1940-1944. Puis on perds sa trace...

Selon son extrait de naissance, Jean B. décédera à Paris (8e) le 1er août 1985 à l'âge de 76 ans, son épouse en 2007 à l'âge de 88 ans..

Ferdinand De BRINON sera exécuté pour "intelligence avec l'ennemi" et  comme "traite à la Nation" le 15 avril 1947 au Fort de MONTROUGE près de PARIS.
Pierre LAVAL lui subira le même sort deux ans plus tôt, le 15 octobre 1945 à la prison de FRESNES.






L'UNIFORME:
(Collection J.CORNIEUX)



Rappelons que depuis l'arrêté dit "acte du 11 juin 1942", l'uniforme des membres du Corps Préfectoral est modifié. La point le plus marquant est l'attribution de la couleur or aux broderies qui remplace la couleur argent.
Par cette modification, le gouvernement donne tout pouvoir au Corps Préfectoral, nouvel outil du gouvernement fraîchement en place.
Ce nouvel uniforme restera dans ses grandes lignes , celui toujours porté de nos jours.


Depuis 1941, le symbole de la Francisque Gallique orne désormais le macaron de la casquette et les boutons.

Fabriqué par la Maison "Pavillon de Rohan et Sutton" à Paris, cette tenue est d'une coupe très élégante qui suit la mode vestimentaire de l'époque.

Elle se compose du veston croisé en laine cardée (tricotine) noire, adopté en octobre 1933.
Ce dernier, ferme au moyen de 2 rangées de 3 boutons or ornés de la Francisque au centre d'une couronne de feuillage.
Au revers se trouve l'Ordre de la Francisque institué en mai 1941 et dont Jean B. à été décoré la même année alors qu'il était l'adjoint de Fernand de BRINON à la  Délégation Générale du Gouvernement Français dans les territoires occupés. Son nom figure bien sur la liste établie par  H.COSTON ardent collaborateur condamné puis gracié en 1955, qui la publie sous le pseudonyme de "l'archiviste JERÔME" en 1987.


  Vue de dos de l'Ordre de la Francisque. L'insigne est fabriqué par la Maison AUGIS à LYON qui sera le seul fabricant de l'Ordre. Il existe un modèle avec patin d'attache comme ici et un modèle à épingle.(Coll. J.Cornieux)

L’intérieur du veston est doublé de satinette noire.
Un étiquette nominative dans la poche intérieure porte la date de 1942.




Les sous-préfets portent des épaulettes rigides, brodées chacune de deux feuilles de chêne et deux feuilles d'olivier. Elles possèdent au centre du dos une patte métallique de fixation et deux crochets.



Le pantalon est taillé dans la même étoffe. Il s'orme sur chaque jambe d'un double galon se soie noire où se mêlent feuilles de chêne et de laurier.
La coupe est droite et large, typique de la mode des années 40. Des pinces à la hauteur de la ceinture lui donne une belle allure;
Lui aussi porte une étiquette nominative avec la date dans la martingale arrière, qui permet de l'ajuster.









Un petit gilet assorti porte une rangée de 7 boutons or ornés de la Francisque au centre d'une couronne de feuillage.
Les deux pans sont garnis de deux poches sans rabats. Le dos est en soie noire muni d'une martingale d'ajustage. Il est doublé en fine satinette rayée.


La casquette est en drap satin fin de couleur noir.
Un rang de broderie or mêlant feuilles de chêne et d'olivier fait tout le tour du bandeau.
Le macaron fixé sur le plateau, est de forme circulaire. Une francisque figure en son centre, elle est  entourée de deux branchages composés chacun de 7 feuilles de chêne symbolisant les 7 étoiles de maréchal de France en référence au Chef de l'Etat, le Maréchal PÉTAIN.
Ce macaron est du type 2, par opposition au type 1 en forme de V, composé des mêmes symboles;
Deux petits boutons à la francisque retiennent une jugulaire "milanaise" de couleur or;
La visière est en cuir verni noir avec un jonc surpiqué sur son bord.
L’intérieur porte sous un rhodoïd en forme de losange, la marque de la très célèbre maison LUSSAN-ROQUE à Paris.





Enfin, pour compléter cette tenue, le sous-préfet Jean B. a choisi de se faire confectionner une très élégante cape, bien réglementaire dans la tenue du Corps préfectoral, encore portée de nos jours, elle assoie l'autorité que la fonction impose.
Le col est en velours noir et ferme par une agrafe.
La cape est faite d'une seule pièce de drap.
Elle ferme par deux boucles rondes de couleur or reprenant le symbole du nouvel Etat Français, la Francisque au centre d'une couronne composée de feuilles de chêne.















2 commentaires:

Unknown a dit…

Magnifique ensemble si peu courant.... 👍

Jérôme CORNIEUX a dit…

Merci de votre intérêt.
Cordialement.